Ce livre est vivant, il fait vibrer la mathématique pour chacun.
Il la prend par de bons bouts: aussi les questions y sont élaborées et rendues sensibles. Le lecteur en sortira changé : il aura touché à la chose. Est-ce possible ? Oui, parce que les auteurs, mathématiciens ou pas, psychanalystes ou pas, se sont manifestement enseignés en se rencontrant à Cerisy. Un désir de savoir émerge et insiste. Un exemple : trouver en quel point se recoupent le rêve de Grothendieck que cerne son ami et collègue Pierre Cartier et " un rêve de Lacan ", comme le nomme ici Jacques-Alain Miller.
Dans sa singularité, chaque drame de l'affrontement du réel renvoie à une solitude que son témoignage élève à la dimension du partageable. Un autre : ce recueil démontre la fécondité de son exportation, sous les conditions mises à jour par Georges Canguilhem, pour un concept (le réel tel que le définit Jacques Lacan) dans un champ autre, ici mathématique. Une telle opération assure en effet la langue d'arrivée d'un signifiant nouveau en même temps qu'elle fourbit en retour le cristal du terme dans la langue d'origine
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Argument, CCIC, 3 septembre 1999,

Les mathématiques ne sont pas un pur langage: un certain imaginaire accompagne le travail du chercheur, la logique elle-même n’étant utile qu’après coup, pour extraire de cette gangue ce qui sera mathématiquement transmissible.

Ainsi le terme introduit par Lacan de mathème peut-il s’enrichir d’une présentation biface: d’un côté un objet mathématique muni de sa "bonne définition", de l’autre une forme encore confuse, que nous proposons d’appeler chose. La notion de motif introduite par Alexandre Grothendieck est une illustration de mathème non encore parachevé, un exemple unique dans l’histoire où la dénomination d’un concept aura précédé son invention.

Nous ne chercherons pas à examiner les liens des mathématiques avec un réel extérieur, celui de la physique par exemple, mais la part de nécessité interne aux mathématiques elles-mêmes. Dans la ligne de Lacan, nous suivrons les intrications des trois registres du symbolique, de l’imaginaire et du réel. Les neurosciences et les théories cognitivistes le font à leur façon, dans une tentative matérialiste qui, à chaque fois, laisse échapper la dimension du sujet, que la psychanalyse au contraire réintègre.

   

Avant-propos, par Nathalie CHARRAUD

Introduction, par Pierre CARTIER & Nathalie CHARRAUD


I. LES MATHÉMATIQUES RÉFLEXIVES

Le mur du langage, par Bernard TEISSIER

Mémoire et objectivité en mathématiques, par Giuseppe LONGO

L'Obscur mathématique ou l'Ouvert mathématique, par Joël MERKER

Le réel et les concepts en mathématique : une stratégie de création, par Pierre LELONG


II. LES MATHÉMATIQUES, AVEC LACAN

Un rêve de Lacan, par Jacques-Alain MILLER

La topologie "TBMCC" de Jacques Lacan, par Nathalie CHARRAUD

La perception de l'Un et la réson du zéro, par Éric LAURENT

La bifidité de l'Un, par Erik PORGE


III. LES TABLES DU RÉEL

Le réel du calcul, par Marie-Françoise ROY

Le réel en jeu dans la formalisation même, par Gilles CHATENAY

Le réel en mathématiques : quelques vues prises de Chine ancienne, par Karine CHEMLA


IV. CHATOIEMENTS DU FORMEL

Une machine à écrire en trompe-l'œil : La vie mode d'emploi, de Georges Perec, par Guy CHOURAQUI

Lewis Carroll : le symbole et la lettre, par Sophie MARRET

Représentations d'objets et représentations de mots mathématiques. Brentano, Freud, Husserl, Lacan, par Frédéric PATRAS

Structures et constantes non-logiques, par Sacha BOURGEOIS-GIRONDE


V. LES MATHÉMATICIENS

Un pays dont on ne connaîtrait que le nom. Les "motifs" de Grothendieck, par Pierre CARTIER

Quel réel pour les images mathématiques ?, par Muriel LEFEBVRE

Lacan et les mathématiciens, par Francisco-Hugo FREDA